Pace&Bene : le nouveau volontariat franciscain

Sur la maturité acquise pendant la mission, j’ai pu poser un choix de vie.

Envie de t’engager ? Désir de trouver un sens à ta vie ? Besoin d’être utile ? Ou simplement envie de voir du pays ? Les raisons d’un départ en volontariat international sont toujours diverses. Mais finalement, c’est toujours profondément la richesse humaine et spirituelle du chemin que nous retenons. La famille franciscaine est un vaste réseau de fraternités de frères, de sœurs, de laïcs… présentes dans de très nombreux pays. Pace&Bene – En volontariat avec François d’Assise est le nouveau service de volontariat international de la famille franciscaine. Il regroupe pour l’instant les frères mineurs, les capucins et les sœurs de Saint François d’Assise. En partenariat avec la DCC (Direction catholique pour la coopération), il offre un cadre sécurisé pour entrer dans l’expérience de la rencontre, pendant quelques semaines, voire, pourquoi pas un ou deux ans. Dans cet article du journal de la DCC, le frère Eric Bidot, provincial des Capucins, nous explique l’importance que cette expérience a eu dans son chemin humain et vocationnel.

Frère Éric Bidot est capucin, à Istanbul il a été professeur de français et animateur d’une aumônerie pour de jeunes lycéens chrétiens de 1995 à 1998. Il est aujourd’hui ministre provincial de ses frères capucins de France et de Wallonie. Il revient avec Volontaires en Eglise sur le lien entre son volontariat et sa vocation religieuse.

Que t’as apporté cette expérience de volontariat sur le plan personnel ?

Je sortais de cinq années d’études de droit, plein d’enthousiasme, plutôt assez confiant ! Le fait d’être « plongé » dans une autre culture, avec une responsabilité professionnelle – dans toute cette richesse et cette humanité du monde de l’enseignement – m’a poussé à sortir de mon point de vue dans lequel j’organisais tout ! J’ai pris de « sacrées claques » tout du moins au début de la mission. Un volontariat c’est se rendre compte qu’on est un parmi tant d’autres, qu’on ne sait pas tout, qu’on ne va peut-être pas être à la hauteur, bref on n’en mène pas large ! J’ai le souvenir d’avoir vécu cela un peu comme une « humiliation ». J’arrivais avec mes compétences mais il y avait d’abord autre chose à faire : s’adapter, rencontrer l’autre et se laisser enseigner par l’autre pour être ensuite capable de se laisser bousculer et pourquoi pas proposer. Avec du recul, je note que le volontariat a questionné mon interaction et ma présence aux autres. J’ai toujours considéré ce temps comme faisant pleinement partie de la pédagogie de Dieu à mon égard. J’ai pu développer une confiance et une sérénité un peu plus grande face aux situations et aux personnes qui se présentent à moi et que je n’ai pas choisies. J’ai appris à les recevoir et ce fut un vrai élargissement du cœur et de l’intelligence. Je vois combien cela me sert dans ma mission de frère d’un Ordre international et de prêtre. Avec Dieu on ne travaille pas « pour un club » ! On est là pour être disponible à tous et Dieu sait que ce n’est pas toujours facile !

Qu’est ce qui a été déterminant dans ton « oui » à Dieu ?

J’étais parti avec la question de l’appel mais je ne voyais vraiment pas où ! Je m’étais dit « si cela vient de Dieu cela reviendra, si cela vient de moi cela retombera » ! A la fin de la mission s’est posée la question de savoir si je restais dans ce que je connaissais déjà ou si je franchissais une étape. Et c’est parce qu’il y avait eu cette maturation humaine et spirituelle en coopération que j’ai pu poser un choix de vie : celui d’entrer dans la vie consacrée. A Istanbul, j’habitais chez les frères capucins, ces mêmes frères que je connaissais en France et qui m’avaient poussé à partir en volontariat. J’ai retrouvé, ici et là-bas, les mêmes hommes au caractère trempé, avec ce côté « rugueux », j’entends par là qu’ils ne jouaient pas « aux religieux ». Ils avaient une vie simple, ensemble, et étaient disponibles à tous. J’ai pris conscience qu’on pouvait vivre dans n’importe quel milieu ou mission et rester soi-même. Soi-même dans le sens de la simplicité de la vocation que l’on a choisie. Dans le parcours de foi, il y a eu aussi la rencontre avec l’Islam. Elle a été provocatrice dans le bon sens du terme. Je me souviens de nombreuses discussions sur le fait que Dieu se soit fait homme ou qu’en Dieu, il y a trois personnes. Cela change tout du rapport du tout Autre à l’homme car Dieu a choisi d’être l’un de nous, mais aussi de ce que le monde exprime de Dieu. Cette rencontre a forgé une juste estime de ma foi chrétienne, dans ce qu’elle a d’unique, d’originale et de constructif, mais elle m’a permis aussi d’apprécier les qualités que l’Islam peut développer dans la vie de l’autre. Je pense ici à Charles de Foucauld marqué par les musulmans en prière lors de son séjour au Maroc, avant sa conversion. Durant tout mon temps de postulat puis de noviciat cette expérience de volontariat m’a habité et a coloré ma manière de réfléchir aux questions théologiques.

Avec d’autres membres de la Famille Franciscaine de France tu lances, cette année, Pace & Bene – le Service de Volontariat Franciscain en partenariat avec la DCC, un lien avec ton propre volontariat ?

Bien sûr, quand j’accompagne des plus jeunes et tout particulièrement des jeunes diplômés, je leur dis toujours : « tant que tu n’auras pas accepté de perdre tes repères et d’aller voir le monde avec les yeux d’un autre, il manquera quelque chose d’un apprentissage à la fois de la simplicité et de la complexité de la vie humaine ». Le volontariat offre un point de vue plus large, certes complexe à appréhender, mais qui fait davantage percevoir les points communs entre les hommes. J’espère que cela pourra être une aide dans un chemin de maturation vocationnelle et je ne parle pas seulement de vocation religieuse. On a chacun d’entre nous un appel à vivre et, pour que cet appel se déploie, pour valoriser ce qu’il y a de vivant en nous, pour être capable de donner cette vie, il faut des étapes un peu marquantes avec l’altérité et l’adversité. C’est souvent ces étapes-là qui permettent ensuite de poser des choix profonds où on engage réellement sa vie que ce soit une vie de couple, une carrière professionnelle, associative ou encore une vie religieuse.

Propos recueillis par E. Rey.

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