À cœur
ouvert

Fr. Serge Delsaut

“Je suis passé du questionnement à la paix”
“Je portais en moi ce désir de tout quitter, de refonder, de me convertir.”
serge delsaut croix saint damien

Bio express

3 juillet 1956

Naissance à Lille.


1981-83

Missions avec la DCC au Tchad et en Centrafrique.


22 septembre 1986

Entrée au noviciat.


19 juin 1988

Vœux.


5 octobre 1996

Profession solennelle.


1999-2002

En fraternité à Bordeaux.


2002 à aujourd’hui

En fraternité à Toulouse.


Depuis 2011

Gardien de la fraternité de Toulouse.

Fr. Serge Delsaut est le gardien de la communauté de Toulouse. Issu d’une famille catholique non pratiquante, il nous raconte son itinéraire vocationnel…

Propos recueillis par Émilie REY

Comme de nombreux jeunes, c’est durant mes études que je me suis posé la question de ce que je voulais faire de ma vie. L’élément déclencheur a été la lecture de la Bible. Mes professeurs d’histoire nous disaient que c’était important pour notre culture. J’avais commencé par l’Évangile de Matthieu et cela m’a semblé être du chinois, c’était très lointain et je dirais même, pour un esprit rationnel, totalement loufoque ! Mais il y avait des choses qui me paraissaient très profondes, en particulier au niveau du relationnel, de la qualité d’attention à l’autre à mettre en pratique. Et puis, il y a un passage qui m’a fait pleurer : le chapitre 15 de la Première épître aux Corinthiens. Je me suis dit : “Je vais retourner en Église”… Et rapidement, l’idée de la vie religieuse m’est venue. Mais restait à savoir où !

DÉCOUVRIR LA SIMPLICITÉ ET LA MINORITÉ

J’ai eu un parcours sinueux. J’ai d’abord frappé à la porte des Jésuites et les Exercices spirituels m’ont été très durs, j’ai eu le sentiment d’un combat spirituel. Je n’étais pas encore prêt mais une parole m’a poussé à une rupture, c’est Genèse 12 : l’appel d’Abraham à quitter son pays. Je portais en moi ce désir de tout quitter, de refonder, de me convertir. J’ai alors demandé à partir à l’étranger avec la Délégation catholique pour la coopération (DCC) au Tchad. J’ai fait de l’enseignement pendant un an, ce fut la découverte d’une autre manière de vivre, d’une simplicité. Puis je suis allé en Centrafrique, en paroisse, dans un pays où l’Église missionnaire était minoritaire. Il y avait une grande solidarité malgré notre petit nombre et je garde en mémoire de belles célébrations des fidèles, dans la joie, avec les balafons*.
À mon retour, j’ai souhaité prendre une année pour relire ces expériences africaines aux Missions étrangères de Paris avec des études en missiologie : ce fut très riche. Cela m’a permis de comprendre qu’il y avait des façons de vivre complètement différentes des miennes, que l’autre n’est pas soi et qu’il faut l’accepter tel qu’il est, avec ses schémas, ses limites. J’ai ensuite poursuivi des études d’initiation théologique au séminaire des Spiritains à Paris, mais il y avait un vrai décalage d’âge et d’expérience avec les autres jeunes. Ces études m’ont aidé à maturer. Bref ma route était autre.

UNE ANNÉE FONDATRICE

Alors pourquoi les franciscains, me direz-vous ? À vrai dire je ne sais pas… J’ai tâtonné. Certains ont des vocations “subites”, moi j’ai cherché. Je connaissais un peu la vie de saint François et on m’avait dit que les franciscains étaient divers dans leur manière de vivre !
J’ai frappé à la porte d’un couvent à Paris et on m’a invité à être regardant à la fraternité du Ruisseau dans le 18e à Paris. Elle accueillait des gens en perte de repères, des sans-domicile fixe, des gens avec des choix de vie mal compris. À mon arrivée, on m’a envoyé nettoyer la douche des sans-abri et là, j’ai ressenti une grande paix intérieure. Je suis passé du questionnement à la paix. J’allais de l’avant et c’est ainsi que je suis rentré au noviciat à Besançon.
Ce fut une année fondatrice dans ma vocation car je suis passé par une mort intérieure. Le maître des novices pensait que j’allais quitter, mais il y a eu comme une “Résurrection” en moi. J’ai senti la présence de Dieu, oui, Dieu était là. Quelque chose m’a été donné au cours du printemps 1987 où l’énergie est revenue. Durant ma deuxième année, j’étais inséré en aumônerie d’hôpital à Cochin à Paris. Là aussi, je ne me l’explique pas, mais alors que j’étais un garçon plutôt sérieux, j’ai commencé à rire. J’étais heureux !
Plusieurs années après, alors que je me sentais prêt pour la profession solennelle, ce sont les frères qui ont souhaité retarder ma demande. Ils souhaitaient que j’approfondisse la vie communautaire. J’ai été envoyé à Bordeaux avec trois autres frères pour fonder une fraternité ! On n’avait rien, juste nos valises ! Je me suis retrouvé en situation de responsabilité, faisant du catéchisme et vivant dans un quartier arabe. Puis, un jour, en passant au sanctuaire marial de Notre-Dame de Verdelais, j’ai senti que la Vierge me révélait intérieurement que j’allais être admis à la profession, et ce fut le cas ! On m’a alors confié le lancement de l’aumônerie en Grandes écoles et j’ai vécu l’expérience d’une pêche miraculeuse ! Nous étions une trentaine, cela prenait son essor… et… la communauté de Bordeaux a fermé ! C’est cela le mystère de Dieu… rien ne nous appartient.
Ce que je peux dire c’est que je suis passé par des morts et des remises en cause profondes ; on pense que cela part dans le décor et puis cela rebondit ! C’est dans ces moments que l’on fait l’expérience de la vocation, de la désappropriation, de l’abandon à Dieu.

*Instrument de percussion originaire d’Afrique occidentale.

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