« De l’écoute des besoins au partage d’une espérance. » C’était le thème du Forum œcuménique des œuvres de miséricorde le dimanche 22 mai. Retour sur ce temps de fête à l’église de la Trinité et à la paroisse arménienne rue Sibié (1er).
Chez les Franciscains, rue de la Palud (1er), une église pleine. L’assemblée ? Des membres de groupes des Églises chrétiennes qui œuvrent au service de la solidarité et de la fraternité, des personnes en situation de précarité, des fidèles venus de tout le diocèse, des paroissiens de la Trinité, dont la chorale animait la messe.
Une fête de famille
« Aujourd’hui, c’est une fête de famille. Dans les fêtes de famille, il manque souvent quelqu’un et on pense aux absents. Nous sommes présentes sans notre groupe, car c’est le groupe des femmes incarcérées à la prison des Baumettes, dont certaines participent à l’atelier peinture. » Au début de la messe, en présentant une vidéo des œuvres réalisées par les détenues qu’elle accompagne, Sr Christine Pousset a donné le ton de la journée. On pensait aux absentes qui, chaque lundi, se réunissent à l’atelier peinture organisé par l’aumônerie : après un temps de partage autour de la Parole de Dieu, elles expriment ce que ces échanges ont fait naître en elles. « L’art est beauté, il guérit de la laideur du monde, témoignaient-elles dans la vidéo. Par l’art, nous entrons en communication avec les autres. Ces peintures sur le thème de la miséricorde disent nos souffrances, notre espoir et notre foi. » De l’émotion, des applaudissements.
Vivre la miséricorde au nom de Dieu
En introduisant cette journée, Mgr Jean-Marc Aveline, qui présidait l’eucharistie, a rappelé que « vivre la miséricorde au nom de Dieu, c’est travailler à la justice et à la paix, soigner les blessures multiples de notre humanité, faire preuve de solidarité, savoir être attentifs aux autres, être remplis de charité ». Et il a fait le lien entre la charité et la Trinité, qu’on fêtait ce jour-là : « La Trinité est cette relation d’amour de Dieu en lui-même et pour nous. Ce n’est qu’en pratiquant la charité qu’on peut découvrir la Trinité. » Notant la diversité des participants et la présence de croyants d’autres religions, il a fait remarquer « que la miséricorde est l’une des choses qu’ont en commun les juifs, les chrétiens et les musulmans. C’est un point d’appui solide qui peut nous permettre de travailler ensemble à la justice, à la paix, au respect de la dignité et à l’unité de la famille humaine ».
La miséricorde passe par nos mains
Après une parade dans la bonne humeur, menée par le Secours catholique qui fêtait aussi, ce jour-là, son 70e anniversaire, la journée s’est poursuivie dans les locaux accueillants de la paroisse catholique arménienne. L’occasion, comme l’annonçait notre évêque auxiliaire, « de partager ensemble, chrétiens de toutes confessions, les multiples façons dont se vit, à Marseille, l’œuvre de miséricorde qui vient de Dieu et veut passer par nos mains ».
Le repas a permis de faire connaissance, puis on a mêlé les façons d’être ensemble : dans la présentation des différents mouvements et associations, dans le partage d’Evangile, les ateliers d’écriture, de peinture, de réflexion sur le sens de la miséricorde… La gestuation, une façon de faire passer la parole par le corps, proposée par le frère franciscain Frédéric-Marie Le Méhauté, a connu un grand succès.
La célébration œcuménique, pleine d’allégresse, animée par la Pasteure Riitta Granroth, a clôturé cette journée de fête et de partage qui invitait à « nous laisser transformer par la rencontre ».
Faire miséricorde avec
« Comment fait-on une place aux plus pauvres ? Quand ils se saisissent de l’Evangile, la Parole prend vie de façon différente, note Fr. Frédéric-Marie, membre de l’équipe de préparation. Et au forum, on a pu sentir quelque chose de cet ordre, avec la vidéo, qui a donné une profondeur à la célébration, et avec la présence des personnes en situation de précarité qui ont participé aux ateliers. » Mais quelle place leur fait-on ? « En parlant des lépreux, saint François utilisait le terme « faire miséricorde avec ». On a une image du saint qui va vers les lépreux et les embrasse. Le projecteur est braqué sur lui. Du coup, les pauvres et les malades disparaissent. Comment ne pas les faire disparaître ? Comment aimer sans dévorer, en permettant à l’autre d’être ce qu’il est ? En faisant « miséricorde avec », on commence par se faire compagnon, par se mettre à côté, par écouter ce qu’ils ont à dire, par comprendre leur histoire. »
Enrichissement par l’œcuménisme
« Pour préparer cette journée, ajoute Sr Marie-Anne Bourgois, forts de ce qui avait été vécu à Diaconia 2013, nous avons rencontré le Réseau Saint-Laurent¹ avec qui nous avons élaboré la « feuille de route » : une rencontre dans un lieu beau et accueillant pour se parler, partager dans la simplicité et vivre la fraternité. Ça semble facile, mais cela nécessite beaucoup de travail. Beaucoup nous disent que cette journée leur a donné du punch ! Le fait qu’elle soit œcuménique nous a enrichis. » Riitta Granroth a apprécié d’être associée dès le début à cette initiative. Elle a fait le lien avec les associations protestantes et orthodoxes. Présente dès le matin pour la mise en place et l’accueil, elle a animé un groupe de partage puis la célébration finale, « joyeuse, simple, dans l’ambiance de la journée ». Heureuse d’avoir participé à « cette expérience formidable », la pasteure sourit encore d’avoir chanté avec ferveur en latin !
Elargir les contacts
Un des buts de la journée était de créer des liens. « De ce point de vue, c’est une réussite : on a beaucoup échangé, des contacts ont été pris, constate avec satisfaction François Debelle, diacre permanent en charge de la solidarité. On a entendu, lors des échanges, des personnes dire que l’Esprit Saint leur donnait la force de vivre leur mission. Aujourd’hui, il y a peu de discours mobilisateurs sur l’action sociale, que beaucoup considèrent comme un boulet… Ce secteur a besoin d’entendre à nouveau les chrétiens. » Un seul regret pour Sr Marie-Anne : « Que nous n’ayons pas réussi à mobiliser les œuvres autant que nous le souhaitions. Il faut du temps. De l’avis général, il faudra recommencer, et ce sera l’enjeu, l’an prochain, de mettre dans le coup plus d’associations et de mouvements, de susciter des rencontres. »
A la fin de son homélie, citant Christian de Chergé, Mgr Aveline appelait à « contempler sur le visage du Christ la miséricorde du Père et à œuvrer avec tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté pour multiplier à Marseille les fontaines de miséricorde ».
« Ce forum n’était peut-être qu’une goutte, relève en écho Frédéric-Marie. Mais il a donné le goût de se fixer un rendez-vous tous les ans pour se retrouver dans la joie du service. La joie qui donne l’espérance. Et le monde a tellement besoin d’espérance ! »
Dominique Paquier-Galliard
¹ Un réseau de groupes chrétiens qui partagent un chemin de foi avec et à partir des personnes vivant des situations de pauvreté et d’exclusion.